Lucile Boiron

Lucile Boiron est une photographe qui manie l’ambivalence. D’abord alléchantes par leurs compositions et la saturation de couleurs pastels, les photographies révèlent ensuite une aigreur, un sentiment de répulsion qui nous renvoie à nos taboos et notre construction sociale du dégoût et de l’impur. Lucile Boiron manie le gaze, probablement féminin, en tout cas à revers de l’oeil patriarcal qui veut que tout soit déjà dit, caché, immortel. Il est question ici d’organes et d’organique qui s’entremêlent, dans l’identification et la décomposition. C’est bien une affaire de vivant qui se joue ici, une danse avec le temps qui passe, qui appose sa marque dans les chairs, des bleus, des nervures, des verrues, des viscères, du sang, des plis, des textures.
Lucile Boiron is a photographer of ambivalence. Initially alluring in their compositions and saturation of pastel colors, the photographs then reveal a sourness, a feeling of repulsion that sends us back to our taboos and our social construction of disgust and the impure. Lucile Boiron’s use of gauze is probably feminine, and in any case reverses the patriarchal eye that wants everything to be already said, hidden and immortal. Here, organs and the organic intermingle, in identification and decomposition. It’s all about the living, a dance with the passage of time that leaves its mark on flesh, bruises, veins, warts, viscera, blood, folds and textures.

L’oeil de Lucile Boiron manie une douceur crue pour ses sujets, la capacité de voir la beauté dans les tréfonds de nos corps périssables. Le corpus photographique tisse des contre récits de désir pour lesquels rien n’est évident, tout ce qui est possible est naturel. Le travail nous invite à sortir de ce qui est acquis et inné, ce qui serait subi ou choisi, dans une approche structuraliste de la forme : une figue suinte, un sein allaite, un téton saigne, un pétale défraichi, une bouche infantile qui appelle, un ventre se plie, une coulure de sang s’écoule entre deux fesses, la pulpe d’un fruit juteux se dévoile à la découpe.
Lucile Boiron’s eye wields a raw gentleness for her subjects, the ability to see beauty in the depths of our perishable bodies. The photographic corpus weaves counter-narratives of desire for which nothing is obvious, everything that is possible is natural. The work invites us to leave behind what is acquired and innate, what would be suffered or chosen, in a structuralist approach to form: a fig oozes, a breast suckles, a nipple bleeds, a petal fades, an infant mouth calls, a belly folds, a trickle of blood flows between two buttocks, the pulp of a juicy fruit reveals itself to cutting.
