Animaux Interdépendants
Le concept d’animaux interdépendants, posé par la chercheuse Sauruna Taylor, est une des rares réflexions qui croise validisme et spécisme. Loin de comparer de manière simpliste (et bien souvent infantilisante) personnes handicapées et animaux (domestiques, de rente), la chercheuse nous invite plutôt à poser une réflexion en terme d’individus pour comprendre les capacités d’actions, d’attention et de préférences des êtres qui ne communiquent pas selon les modalités posées par les humains valides.
The concept of interdependent animals, put forward by researcher Sauruna Taylor, is one of the rare reflections that brings together validism and speciesism. Far from making simplistic (and often infantilizing) comparisons between people with disabilities and animals (domestic or livestock), the researcher invites us to think in terms of individuals, in order to understand the capacities for action, attention and preference of beings who do not communicate in the same way as able-bodied humans.
Sauruna Taylor nous invite à questionner la notion (négative) de « dépendance », actant du fait qu’il n’existe pas de réelle indépendance, mais plutôt une échelle graduelle de dépendance. Nous nous situons tous*tes sur le spectre de la dépendance, c’est une différence de degré et non de nature. En ce sens Sauruna Taylor vient questionner les perceptions validistes du monde mais aussi les milieux militants animalistes et environnementalistes qui (parfois malgré eux) hiérarchisent les espèces et pensent les animaux domestiques (ex. chiens) ou de rente (ex. vaches) comme non nécessaires (et envisagent aisément leurs disparitions) car dépendants des humains, soit-disant moins intelligents ou dont la vie seraient moins valable d’être vécue.
Sauruna Taylor invites us to question the (negative) notion of “dependence”, acknowledging that there is no such thing as true independence, but rather a gradual scale of dependence. We’re all on the spectrum of dependence – it’s a difference of degree, not of kind. In this sense, Sauruna Taylor questions validist perceptions of the world, as well as militant animalists and environmentalists who (sometimes in spite of themselves) rank species and think of domesticated animals (e.g. dogs) or livestock (e.g. cows) as unnecessary (and readily envisage their disappearance) because they are dependent on humans, supposedly less intelligent, or whose lives would be less worth living.
“Le présupposé validiste selon lequel il serait intrinsèquement mauvais, voire contre-nature et anormal d’être un être humain vulnérable et dépendant s’exprime ici par delà la frontière de l’espèce - ce qui souligne à quel point le validisme informe nos représentations de la vie animale. ”
Contre la vision spéciste du monde l’autrice souligne que la notion de « dépendance » a cela de vicieux aussi qu’elle laisse penser qu’on porte une attention aux plus faibles, là où elle permet le maintient d’un régime de domination, soit disant compatissant donc, envers des « sous humains » ou « sous animaux ». (voir. la viande heureuse).
Against the speciesist vision of the world, the author points out that the notion of “dependence” is also vicious in that it leads us to believe that we are paying attention to the weakest, when in fact it allows us to maintain a regime of domination, supposedly compassionate, towards “sub-humans” or “sub-animals”. (see Happy Meat).
“The ableist assumption that it is inherently bad, even unnatural, and abnormal to be a vulnerable dependent human being is here played out across the species divide - pointing to just how much ableism informs our ideas of animal life. ”
Par cette intrusion d’une réflexion anti-validiste dans la pensée anti-spéciste, Sauruna Taylor souhaite complexifier notre rapport sociaux aux animaux, afin de réhabiliter la question de la coopération et du respect mutuel, de reconnaître la valeur de l’intelligence émotionnelle de toutes les espèces, de l’amour et du soin, de déplacer notre regard sur la vulnérabilité.
Through this intrusion of anti-validist thinking into anti-speciesist thinking, Sauruna Taylor aims to complicate our social relationship with animals, to rehabilitate the question of cooperation and mutual respect, to recognize the value of emotional intelligence in all species, of love and care, and to shift our gaze on vulnerability.
à lire 👀
Sauruna Taylor, Braves Bêtes, Ed. Du Portrait Eds, 2019
Myriam Bahaffou et Tristan Lefort-Martine (dir), L’écoféminisme en défense des animaux, recueil de textes, Ed. Cambourakis, 2024
Carole J. Adams, Lori Gruen (dir), Ecofeminism, Feminist Intersections with Other Animals and the Earth, Ed. Bloomsbury
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